Pas de fin ou de début d’année sans top. Le mien comporte des œuvres de toutes les époques (pour plus d’honnêteté et de variété), mais découvertes et appréciées en 2023 !
Films et séries
The Fabelmans, Steven Spielberg, 2023
Under the Skin, Jonathan Glazer, 2013
Tempura, Akiko Ohku, 2020
Les goûts et les couleurs, Michel Leclerc, 2022
Videodrome, David Cronenberg, 1983
Frances Ha, Noah Baumbach, 2012
Les 2 Alfred, Bruno Podalydès, 2020
Top Gun 2: Maverick, Joseph Kosinski, 2022
Le règne animal, Thomas Cailley, 2023
Mars Express, Jérémie Périn, 2023
L’innocent, Louis Garrel, 2022
Sous contrôle, Charly Delwart, 2023
The White Lotus, Mike White, 2021
Jeu vidéo
Sifu, Sloclap, 2022
Rollerdrome, Roll7, 2022
A Plague Tale: Requiem, Asobo Studio, 2022
Battlefield 1, DICE, 2016
Dead Cells, Motion Twin, 2018
Livre
Anne Wiazemsky, Un an après, 2015
Margaret Atwood, La servante écarlate, 1985
Aaron Cometbus, Un bestiaire de bouquinistes, 2020
Julia Armfield, Our Wives Under the Sea, 2022
Sylvia Plath, Ariel, 1965
Virginie Despentes, King Kong Théorie, 2006
Clémentine Beauvais, Songe à la douceur, 2016
Nikos Kokantzis, Gioconda, 2002
Arthur Machen, Histoire de la poudre blanche, 1895
L’écriture d’un livre a ceci d’agréable qu’elle me fait entrer dans un tunnel qui tend vers une seule et même direction (cela peut être un peu claustrophobique à la longue, bien sûr). Sur le parcours, diverses lectures viennent fournir l’éclairage nécessaire, pour ne pas avancer à tâtons.
Vous trouverez ci-dessous la bibliographie commentée de Lost in Translation, étrangers familiers, ainsi que la sitographie. J’ai complété le tout avec quelques vidéos intéressantes autour du film, dont le making of de Brian Kobo, Susan Hebert, Spike Jonze et Ross Katz, Lost on Location: Behind the Scenes of “Lost in Translation”.
Corinne Atlan, Japon, l’empire de l’harmonie, Éditions Nevicata, Bruxelles, 2016 : un petit livre compact et très bien documenté (écrit par une fameuse traductrice du japonais), qui fait un bon guide de voyage atypique.
Roland Barthes, L’empire des signes, Éditions du Seuil, Paris, 2007 : un incontournable pour découvrir, explorer et tenter de comprendre la culture japonaise.
Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, « Le monde sidéré », Éditions du Seuil, Paris, 2020 : l’indispensable livre de Roland Barthes, avec Mythologies, ne pas m’a pas trop convaincu, malgré quelques formules très marquantes.
Richard Collasse, Dictionnaire amoureux du Japon, Plon, Paris, 2021 : un livre très complet, assez intéressant dans son approche. Mais je dois dire que le ton employé par l’auteur vis-à-vis de certains détails ne m’a pas particulièrement plu.
Sofia Coppola, Archive, Mack Books 2023 : une sortie que j’attendais avec impatience, et qui m’a assez déçu. Malgré son volume, Archive contient assez peu d’informations sur les films de Coppola et leur fabrication. Quant aux photographies, il y a à prendre et à laisser, mais je ne trouve pas l’ensemble à la hauteur du prix (ni du potentiel pour tel bouquin !)
Sofia Coppola, Lost in Translation, Lost in Translation, Inc., 2 septembre 2002 (script) : le scénario du film, avec quelques scènes et éléments qui seront modifiés au tournage. Mais, dans l’ensemble, il reste assez proche du résultat final.
Adrien Gombeaud, Tokyo mis en scènes, Ciné Voyage, Espaces & Signes, 2018 : un bon ouvrage synthétique, qui permet de parcourir Tokyo en compagnie d’une large palette de cinéastes.
Edward T. Hall, La dimension cachée, traduit de l’anglais (États-Unis) par Amélie Petita, Points, Éditions du Seuil, Paris, 2014 : une belle découverte, même si cet ouvrage est assez connu des sociologues et anthropologues. Il est vraiment passionnant, et assez accessible et humble dans son approche.
Claire Marin, Être à sa place, Éditions de l’Observatoire, Paris, 2022 : un texte philosophique accessible et didactique, qui étudie la notion de place en s’appuyant sur les œuvres et thèses de plusieurs auteurs, dont Georges Perec.
Georges Perec, Espèces d’espaces, Éditions du Seuil, Paris, 2022 : mon « premier Perec », que j’ai beaucoup apprécié. Une vivacité dans la réflexion qui se manifeste par ce sentiment de lire un carnet de notes (bien écrit). Très stimulant !
Victor Provis, Shoegaze. My Bloody Valentine, Slowdive, Ride, etc., Le Mot et le Reste, 2018 : comme d’habitude avec Le Mot et le Reste, un ouvrage-somme (même s’il se concentre sur les carrières et évolutions de plusieurs groupes distincts) d’une grande qualité.
« Interactions image-son : autour de la notion de congruence », Rémi Adjiman, in Le son au cinéma, Esther Heboyan, Françoise Heitz, Patrick Louguet et Patrick Vienne (éd.), Artois Presses Université, Arras, 2010 : un article très intéressant pour l’étude des effets et du mixage sonores dans Lost in Translation.
Rainer Maria Rilke, « Munich, Blütenstr. 8./I. 13 mai 1897. », Lettres à Lou Andreas-Salomé, traduit de l’allemand par Dominique Laure Miermont, Éditions Mille et une nuits, 2021 : un fantastique recueil, particulièrement touchant, qui laisse entrevoir l’intensité de la relation entre Rilke et Andreas-Salomé.
Jerome David Salinger, Franny et Zooey, traduit de l’américain par Bernard Willerval, Le Livre de Poche, Paris, 1971 : un de mes livres de chevet, sans doute parce qu’il résiste encore et toujours à une analyse ou à un résumé simpliste. Ne ressemble à aucun autre texte que j’ai lu.
Un entretien paru en février ou mars 2014 dans Coup d’Oreille.
Le Millésime 1 de Soul Square n’a pas vraiment eu le temps de vieillir, et un successeur est déjà en bouteille. Au sein de la boîte de distribution Musicast, quelque peu chamboulée par des travaux, Arshitect, PermOne et Guan Jay, soit Soul Square presque au complet (ne manque qu’Atom), ont retrouvé Jeff Spec pour présenter le deuxième volume de leur série commune avec des emcees.
Quel est le concept derrière la série des Millésimes ?
Arshitect : Assez simple : nous nous sommes rencontrés aux Alcooliques Anonymes… Non, nous avons pensé mettre en avant un emcee sur chaque Millésime, comme s’il s’agissait d’un grand cru, d’un alcool de qualité, avec une belle bouteille, différente pour chaque rappeur selon qu’il vienne du Canada, des États-Unis, de France… L’étiquette sur la bouteille, plus graphique, dépend de mon inspiration. Au départ, des graphistes devaient nous les dessiner, mais finalement je m’en charge moi-même, pour proposer une pochette dans la pochette. Pour les versions collector, on a poussé ce truc du grand cru jusqu’au bout, en y ajoutant des sous-bocks.
À quoi correspondent ces interludes qui rythment chaque Millésime ?
Arshitect : Au départ, nous avions pensé ce projet selon un format vinyle, qui est très limité, à 15 minutes environ par face, sinon le son est crade. Nous sommes finalement resté sur 6 morceaux avec le rappeur, et avons eu l’idée d’intercaler des interludes majoritairement jazz, où nous partons du même sample chacun et faisons notre propre version. Pour le premier Millésime, on est parti d’un sample que j’avais choisi, pour Millésime 2, c’est PermOne qui a choisi, et le 3, ça devrait être Guan, s’il est gentil. Ces exercices sont aussi un hommage au sampling : montrer qu’avec la même matière, on peut parvenir à 4 morceaux différents.
Ce Millésime 2 s’est-il organisé de la même manière que le premier ?
Arshitect : Pour le Millésime 1, c’était différent, puisque Racecar habite à Paris : on avait pu tout enregistrer chez Atom. Là, avec Jeff au Canada, il était plus pratique de travailler à distance, d’autant plus qu’on vient tous les quatre de coins assez différents. Pour composer de la musique sur des machines, ce travail à distance n’est pas vraiment gênant, ce n’est pas comme un boeuf où chacun doit venir avec son instrument.
PermOne : Il y a une grosse part de bidouille, d’essais, ce n’est pas évident de faire ça en live. C’est vraiment du travail de studio, il faut être posé. Généralement, on part de beats, d’ébauches de prod que chacun fait de son côté, avant de faire une sélection que nous proposons au emcee. Lui va valider les beats qu’il kiffe et poser dessus un projet assez rough sur ces beats. On revient alors travailler sur chaque morceau : si c’est une prod à moi, je vais travailler les arrangements par rapport aux lyrics de Jeff, si c’est une prod à Guan, pareil… Et ensuite, on exporte toutes les pistes en séparé, et Jeff enregistre de son côté.
Guan Jay : Chacun apporte sa pierre à l’édifice, on retravaille la version de l’autre, on ajoute des éléments… Et ensuite, il y a quand même Atom qui ajoute sa pierre à l’édifice, en posant des scratchs, des cuts… Il nous renvoie ça, on valide ou pas, il y a une nouvelle discussion. Une fois qu’on est content de la version définitive, elle part au master.
PermOne : Même les morceaux plus instrus qu’on a pu faire en commun, sur Live & Uncut par exemple, on ne s’est jamais vraiment réunis à un instant T pour bosser sur tel morceau, on a chacun taffé de notre côté et apporter les éléments petit à petit, il n’y a pas eu de vraies réunions.
Arshitect : Je me souviens, « Love Break » par exemple, c’est un morceau qu’on avait fait très vite pour pouvoir le sortir sur le maxi vinyle en inédit [sur First EP]. On l’a fait uniquement par Internet, on ne s’est jamais rencontrés. Même les musiciens présents sur la piste ont enregistré de leur côté, et ont envoyé les pistes.
Jeff Spec : C’est en trois étapes : généralement, je recevais un mail avec trois beats, et je choisissais celui que je préférais. Nous avons équilibré ensuite pour que chaque beatmaker ait peu ou prou le même nombre de prods. Une fois que je leur ai renvoyé, ils s’occupent de la «postproduction», c’est à dire un peu plus de travail sur le beat pour qu’il s’accorde bien à ce que j’avais écrit.
Le premier titre de ce Millésime 2, « Jeff Zep », annonce-t-il un album plus « rock » ?
Guan Jay : Au niveau des beats, nous avons fait des propositions à Jeff, mais c’est lui qui a fait les choix. Je pense que ce côté un peu différent vient surtout de lui. Il kiffait peut-être moins les sons jazzy, qui étaient très présents avec Racecar, pour un résultat qui fait plus soul-rock.
PermOne : Et, du coup, l’album est vraiment au goût du MC.
Arshitect : Nous ne nous sommes pas dit « Tiens, on va mettre du rock sur ce Millésime », nous avons vraiment proposé beaucoup de choses à Jeff. Nous ne prévoyons pas vraiment la couleur de l’album ou la réception du public, sauf pour les instrumentaux. Pour le prochain album, je pense qu’on se posera plus la question de savoir ce qu’il faut à tel ou tel moment, si une respiration est nécessaire, ou pas…
Jeff, comment avez-vous établi le contact avec Soul Square ?
Jeff Spec : D’habitude, je produis la majeure partie de mes albums, mais je n’aime pas ce côté autocentré, et il y a donc toujours 2 ou 3 autres producteurs en plus. Je fais généralement entre 1⁄3 et 90 % de mes albums, en laissant toujours de la place pour d’autres producteurs : Moka Only, e.d.g.e., par exemple. Le Canada regorge de producteurs talentueux… Soul Square ont vu la vidéo pour Specnology, de mon dernier album, et m’ont contacté sur Facebook. J’ai écouté leurs sons, ils m’ont expliqué le principe des Millésimes, et j’ai toujours aimé la façon dont la France et l’Europe approchaient la musique. Comme un art qui serait intemporel, à l’opposé de la façon dont tout le monde consomme de la musique, à présent. Je peux encore écouter un album de Rakim et me dire « Putain ! T’as entendu ça ? » Les chansons sont comme les gens : elles grandissent et changent, et ont toujours quelque chose en plus à nous apprendre. Et c’était surtout une incroyable opportunité de pouvoir travailler avec des artistes français.
D’où venez-vous, chacun ?
PermOne : Arshi et moi, nous habitons en région parisienne. Guan il est à Nantes, Jay Crate, notre DJ de scène, aussi. Et Atom à Bruxelles. Donc nous sommes un peu éparpillés.
Mais vous vous êtes rencontrés dans les coins de Nantes ?
Arshitect : J’ai vécu 8 années à Nantes, j’ai passé une partie de mon enfance là-bas et j’y ai fait mes études supérieures.
PermOne : J’ai fait mes études à Saint-Nazaire, j’ai habité à Vannes, à Rennes, et c’est à cette époque qu’on s’est connecté.
Arshitect : Nous nous sommes rencontrés à Nantes, mais n’y avons pas vraiment profité comme lieu de concert, car nous étions déjà partis chacun de notre côté. On en a plus profité avec cette grande famille qu’il y a autour du groove, avec Hocus Pocus, Tribeqa, C2C et d’autres… Tout le monde se connaît, on s’invite tous sur les projets des uns et des autres, et cela permet d’avoir une multitude de talents à portée de main.
Guan Jay : On dit que le monde est petit, et Nantes c’est encore bien plus petit. Même si les styles de musique sont différents, tous les zikos se connaissent. Même avec les gars de Hocus Pocus, les connexions se faisaient facilement, on les connaissait depuis longtemps. Il y a vraiment un bon groove nantais, je crois.
Dont C2C serait devenu le représentant le plus populaire ? Comment gérez-vous la situation avec Atom ?
Arshitect : Atom, c’est vraiment son métier, quand nous avons chacun des boulots à côté. Au moment de bosser sur Millésime 2, il devait faire des Zénith avec C2C : il doit faire des choix, de toute façon. 8 mois à l’avance, pour Millésime 2, il nous a donc prévenus sur ses disponibilités. Pour les concerts aussi, c’est rare qu’il puisse venir.
Guan Jay : Dans tous les cas, on fait avec cette situation, elle ne nous empêche pas de travailler.
Arshitect : Oui, cela fait maintenant 8 ou 9 ans que l’on bosse ensemble. Il comprend notre son, et travailler avec un autre ingénieur son, ce ne serait pas possible. En termes de scratchs, c’est aussi difficile de trouver mieux. Autant avant, nous avions des idées précises, donc il fallait quelques ajustements, autant maintenant, il sait pratiquement directement ce qui nous plaît.
Jeff, comment est la scène hip hop du Canada ?
Jeff Spec : Le hip hop n’a que 40 ans, et le Canada est très proche de l’endroit d’où il vient. Sa naissance au Canada a donc été presque simultanée. Il est possible de trouver du hip hop de Toronto qui remonte aux débuts des années 1980. Depuis, la scène a bien grandi, et il y a ceux qui font du hip hop pour qu’il reste dans les mémoires, et d’autres pour qu’il passe à la radio, ce qui est aussi défendable. Il y a beaucoup de demandes en tout cas, et il est possible de monter une tournée de 40 dates seulement au Canada.
Et la distribution avec Musicast, ça marche ?
Guan Jay : Ça va, on vient de finir le carrelage…
Arshitect : On a atteint de bons chiffres de ventes avec le premier volume, et ceux du deuxième ne devraient pas être inférieurs. Nous avons écoulé les 1000 vinyles collectors, et il ne reste plus beaucoup de digipack. Pour Millésime 2, nous n’avons fait que 500 vinyles collectors et 1000 standards, parce que 1000 collectors, c’était un peu dommage d’en faire autant.
Pour le moment, Soul Square et le beatmaking, c’est encore un peu juste pour gagner sa vie ?
Guan Jay : Il y a cette possibilité d’intégrer plusieurs groupes qui peut faciliter les choses. Mais il faut soit énormément tourner, ou énormément vendre, pour en vivre.
Arshitect : Ceux qui sont tous seuls sur scène. Parce que nous on est 5 ou 6, il faut séparer le cachet. Pour partir aux États-Unis, il faut aussi payer 5 ou 6 billets d’avion, les types prennent pas le risque pour un groupe qui n’est pas si connu que ça.
À propos des États-Unis, pourquoi si peu de prods avec des emcees français ?
PermOne : On a quand même les prods avec Fisto et Micronologie.
Arshitect : L’album avec Fisto, on le kiffait, on a vraiment bossé dessus. Mais il n’a tellement pas été suivi que ça nous a mis une petite claque au niveau du hip hop français. Enfin, pour moi en tout cas.
Guan Jay : Au niveau de la culture hip hop en elle-même, il faut dire que le côté anglophone fonctionne peut-être un peu mieux que le côté français, où lorsque l’on dit hip hop, c’est tout de suite rap. Et les gens n’ont pas forcément une image très positive de ce que «rap français» signifie, malheureusement. Mine de rien, le emcee anglophone parle plus facilement aux gens. Paradoxalement.
PermOne : Lors de la conception de Live & Uncut, on a pu comparer aussi, puisqu’on voulait mêler MC français et MC à l’international, qu’ils soient américains ou suédois. Les MC français, il fallait tout le temps les relancer, alors qu’avec Jeff, par exemple, aucun problème.
Millésime 2 fait revenir Racecar le temps d’un featuring, c’était une première ?
Jeff Spec : Effectivement, je n’ai rencontré Racecar qu’aujourd’hui. Mes potes et moi, nous le surnommons «Frank Sinatra», qui fut le premier à enregistrer sur de la musique qui n’était pas jouée en même temps, dans la même pièce que lui. Nous avons appliqué le même processus que pour les autres tracks, sauf que j’ai laissé de l’espace à Racecar. Il est très expérimenté, comme moi, et en découvrant mon texte, il a tout de suite su ce qu’il fallait écrire. C’est toujours bien d’être le deuxième sur un featuring, parce qu’on peut se caler sur l’autre et le dépasser, mais il a fait un très bon boulot, en poursuivant ce que j’avais commencé. Il a beaucoup de dextérité, ses jeux de mots sont hyper intelligents.
La version numérique du Millésime 1 proposait un remix de « My Home », vous allez retenter l’exercice pour le volume 2 ?
Arshitect : Ce remix est un faux, Racecar avait posé sur cette prod, mais elle avait été écartée lors de la sélection finale. J’ai refait entièrement la prod, qui a finalement mené sur le clip et la version de l’album. Pour ce Millésime, nous avons déjà 8 morceaux à la base, Et un remix n’est donc pas prévu, a priori. Nous voulions ressortir une Fresh Touch Vol. 2, avec des remix, mais on ne l’a pas fait. Récemment, on a remixé Electro Deluxe, PermOne l’a géré.
PermOne : Ça changeait du remix classique, où tu prends la voix d’un rappeur a cappella, où c’est 3 X 16, n’importe quel beat pourrait limite passer. C’est un autre exercice. J’ai trouvé assez rapidement le sample qui collait, et l’ensemble était cohérent.
Justement, vous avez des techniques particulières pour les recherches de sample ?
Arshitect : Pour le sample, c’est simple : tu as énormément de chance, ou pas. J’avais vu une anecdote sur Primo et le morceau « Nas is Like », un classique en termes de beat, et il était à deux doigts de jeter le vinyle, il a décidé de l’écouter quand même, et voilà ce que ça a donné. Pour Millésime 2, Perm a samplé du rock, ce que l’on fait moins souvent.
PermOne : Nos références vont quand même rester la soul, le jazz, la funk, en grande majorité.
Guan Jay : Et pour trouver les sons, il y a un peu de tout, vinyle, MP3, CD…
Arshitect : Ça peut même être de mauvaise qualité : Atom rattrape presque tout ! S’il fallait acheter un vinyle pour chaque sample, ce serait encore plus dur pour boucler les fins de mois…
Entretien réalisé le 11 février 2014, chez Musicast.
Avec la simpsonwave, sans doute un des phénomènes musicaux les plus curieux et sympathiques popularisés par internet : le mash-up mélange des éléments de deux chansons, en s’appuyant sur le sample, cherchant généralement à réunir les genres les plus éloignés possible. Un autre dossier sur un sujet sans fin, curieusement négligé par les spécialistes, à mon humble avis. Publié en juin 2014 dans Coup d’Oreille.
Ce qui est pratique avec la musique, et la création en général, c’est qu’on ne sait jamais vraiment où elle va aller. Tandis que le XXe siècle a vu les genres majeurs, jazz, rock, pop et hip hop devenir tour à tour des produits de consommation de masse, l’apparition des différents supports de lecture, de plus en plus maniables, a permis à chacun de multiplier ses écoutes. Peu à peu, les engagements musicaux forts ont disparu, pour laisser place à un appétit d’écoute grandissant. Une circulation ultra-rapide qui a ses carambolages, sans victimes. Le mash-up, construction musicale à partir de plusieurs morceaux d’artistes et de genres différents, a logiquement fait son apparition. Un monstre bâtard ou la musique du futur ?
La première écoute d’un mashup provoque des réactions contradictoires : le plaisir d’entendre deux morceaux, connus et aimés, depuis une perspective renouvelée, et la culpabilité honteuse d’apprécier ce qui ne relève pas du tout de la volonté des auteurs des originaux. Un plaisir trop facile, trop jouissif, en somme : la mashup s’est vite retrouvé affublé de la dénomination peu avenante de « bastard pop ».
Le mashup se découvre le plus souvent au hasard, particulièrement sur le web : il accroche facilement l’oreille, habituée aux mélodies qu’elle croise. Ce n’est qu’après quelques recherches supplémentaires que l’on décèle les musiciens derrière les collages, et la création derrière l’exercice. Des… artistes seraient à l’origine de ces compositions : des hommes et des femmes dotés d’un talent particulier pour le mashup. Et pourtant, qui saura citer plus de quatre ou cinq représentants du genre ?
Frank Zappa est probablement un des plus connus. Il développe dans les années 1970 une méthode de travail commune à plusieurs morceaux, qu’il créé en mixant les instruments de différents enregistrements. « Rubber Shirt » (1979) combine ainsi basse et batterie de deux enregistrements live différents. La « xenochronie » se présentait comme une forme de mash-up à la Zappa, un geste artistique qui n’étonne pas venant d’un musicien si attentif à soi-même, quant à la place qu’il occupe dans ce monde. Zappa réécoutait ses enregistrements live avec l’envie d’en tirer quelque chose d’inédit, parce qu’il considérait que chacun de ses gestes était sujet à création.
Difficile de dater précisément la création du mashup. Après tout, le blues consistait déjà en une tradition orale de morceaux échangés, déformés, remontés et réécrits, qui ont constitué un répertoire multiple et les premières notes de folk, elle aussi issue de multiples réappropriations, Bob Dylan en chef de file. Mais le genre a incontestablement bénéficié de l’apparition des clubs et des DJ, qui s’échangeaient des maxis proposant à la fois l’instrumental et l’a capella d’une même chanson. Né dans le club, créé dans la chambre ?
Pas tout à fait, puisque toute une vague de mashup a vu le jour dans les clubs, dans les années 1980, pas forcément pour le meilleur… Citons Pink Project, groupe italo-disco qui s’est taillé un petit succès en mélangeant « Another Brick In the Wall » des Pink Floyd et « Mammagamma » d’Alan Parsons Project, sans oublier l’intro bien connue d’« Eyes in the Sky », également du second. Les différentes parties de guitare ont toutes été réenregistrées pour le morceau, fait plutôt rare par la suite. Mais la pochette façon KKK gothique fait définitivement flipper.
La décennie suivante verra le mashup s’inviter dans toute une constellation de genres musicaux annexes, rassemblés sous l’étiquette « fusions » : si les morceaux sont des originaux et ne relèvent donc pas techniquement du mashup, le terrain est préparé. La musique est devenue si simple à écouter que les différents « clans » musicaux ont disparu. Difficile d’imaginer, dans les années 2000, un revival de la Disco Demolition Night, quand, en juillet 1979, un stade de Chicago devient le bûcher expiatoire de la disco, avec des centaines de disques brûlés…
Le hip hop et le mash-up, les pires ennemis du copyright ?
Par les similitudes qu’il présente avec le hip hop, qui sample lui aussi avec délectation, le mashup a été considérablement influencé par les aventures des DJ et producteurs avec le copyright. Souvent malheureuses : si les 2 Live Crew ont probablement été les plus inquiétés au cours des années 1990, le procès de Biz Markie est resté comme l’un des plus impitoyables. En 1991, ce rappeur de la scène new-yorkaise, proche de Marley Marl, utilise un sample de Gilbert O’Sullivan, tiré de « Alone Again » (1972) pour une chanson du même titre. Les labels réagissent au quart de (33) tour pour défendre ce classique, considérant qu’une chanson de rap n’est pas légitime à se la réapproprier… La Cour Fédérale assimile le morceau à un vol de propriété intellectuelle, et ordonne le retrait des albums. Pour les DJ, le ton est donné : il faudra désormais déclarer les samples, et s’acquitter d’un pécule pour l’utilisation. Quant à la carrière de Markie, elle vient de prendre un sérieux coup dans l’aile…
Pour le hip hop, difficile de faire sans les samples : dès lors, les options sont restreintes, entre déclarer les morceaux originaux et casquer, ou se servir en espérant que les interprètes originaux (et, surtout, les labels) ne reconnaîtront pas les notes dans le nouveau morceau… Le Wu-Tang, à l’occasion de l’album Wu-Tang Forever, aurait ainsi lâché près de 350.000 $ à Syl Johnson pour les sonorités de ses titres de l’âge d’or. Pas mauvais joueur, Johnson a reconnu avoir fait monter les enchères… Mais tout le monde ne fait pas partie du crew de Long Island, et, pour la plupart, c’est une époque de scratchs maigres qui s’annonce…
Heureusement, en 1996, un album culte et incontournable de la culture hip hop vient remettre les horloges tournantes à l’heure : DJ Shadow, un fou du diggin’, balance Endtroducing..…. Celui qui déclare ne pas aimer les mots propose des compositions totalement originales, ou, surtout, les samples originaux sont totalement méconnaissables. « The Number Song », 3e titre de l’album, contient ainsi des sonorités de Metallica, Kurtis Blow, T LA Rock, Jimmy Smith, A Tribe Called Quest, Grand Wizard Theodore, Grandmaster Flash… Un travail de recherche et de composition incroyable, encore méconnu à ce jour. Le « abstract hip hop » a trouvé son maître, et le DJ prouve définitivement que l’usage du sample n’est pas un moyen de gagner de l’argent en capitalisant sur de vieux classiques. Bien évidemment, Shadow n’a pas fait de chèque à chacun des artistes, ce qui aurait représenté le PIB de plusieurs pays…
Le principal obstacle à la diffusion des mixtapes est longtemps resté le support : pas évident de se procurer les a capellas, les instumentaux, ainsi que le matos nécessaire, sans compter les moyens pour faire passer les mashups… En 1994, Evolution Control Committee propose un des tout premier album du genre, avec Gunderphonic, sur… cassette. Les « Mix Crème Fouettée » (Whipped Cream Mix) mélangent des a capellas de Public Enemy et des instrus du Tijuana Brass Ensemble, et ne seront édités en vinyles que quelques années plus tard, une fois qu’une communauté de fans suffisante aura été rassemblée.
Pour cette raison aussi, les pratiquants du mashup sont restés dans l’ombre pendant très longtemps. D’abord, comme on l’a vu, pour éviter la censure et les ennuis judiciaires, mais aussi parce que l’exercice suppose un certain effacement. La perception traditionnelle de l’artiste seul penché sur son oeuvre est en effet pas mal secouée…
La technologie façonne l’écoute
Les K7, l’autoradio, les CD, la possibilité de graver ses mixtapes, sans même parler du MP3, ont changé notre façon d’écouter la musique, ou, plutôt les musiques. Le producteur Danger Mouse se souvient des années 1980, quand le hip hop qui sortait de la chambre de sa soeur se mêlait au métal mainstream diffusé par la radio… Deux décennies plus tard, avec l’aide du logiciel ACID Pro, il balance en écoute sur le Web The Grey Album, une des productions les plus controversées de ces dernières années. Et pour cause : Danger Mouse s’est attaqué à l’un des répertoires musicaux les mieux protégés, celui des Beatles, et plus particulièrement le White Album qu’il a mélangé au Black Album de Jay-Z. Si ce dernier, sachant ce qu’il doit au sample, a gardé un silence approbateur, EMI, gestionnaire du catalogue des Fabs Four, s’est empressé de faire retirer l’album de Danger Mouse. En guise de riposte, 150 sites ont proposé l’album en téléchargement gratuit, afin de protester contre cette censure à la tronçonneuse.
Et oui, Internet est là, et il s’agit probablement du meilleur ami du mashup : des titres facilement accessibles, une diffusion ouverte, et le soutien d’adeptes à travers le monde. Parallèlement à l’avancée technologique qui fournit des logiciels de plus en plus simples (Ableton Live, ACID Pro, Cubase, Wavelab, Cool Edit Pro…), le haut débit et les sites de partage généralisent la pratique du mashup. Des milliers d’amateurs s’essayent à l’exercice, et certains le relèvent si bien qu’ils deviennent des références : Mick Boogie, Terry Urban, Wait What, The Hood Internet, DJ BC…
Les mashuppers deviennent parfois des producteurs, tant leur travail est respecté. D’autres, comme The Avalanches ou les 2 Many DJ’s, donnent un coup d’accélérateur au genre en le faisant entendre d’un plus grand public. Avec le risque, déjà, d’utiliser des samples devenus communs dans l’exercice du mashup… Malgré tout, il a su garder ce côté blague, groupe de rêve, grande fantasmagorie musicale, selon le bon vouloir du compositeur…
Alors, la musique du futur ? Peut-être, si l’on estime que l’histoire de la musique, et particulièrement de la musique populaire, est cyclique, consistant en un retour des mêmes codes, rythmes et inspirations : la théorie a essaimé ces dernières années, chez Simon Reynolds (Rip It Up and Start Again), Michka Assayas, ou David Quantick (journaliste du NME, a développé le concept de la « pop qui se dévore elle-même »). Il restera toutefois à surmonter le désintérêt des labels pour le mashup, et le durcissement des lois sur le droit d’auteur lié à Internet : « Ces remix numériques, cette culture du mashup sont facilités par les nouvelles technologies, mais illégaux selon le droit d’auteur actuel. Nous devons décider si cette créativité doit être étouffée par la loi, ou si la loi doit être réécrite pour protéger ce qui doit l’être, tout en permettant à ce genre de créativité de se développer », résume Lawrence Lessig, professeur de droit à Stanford et spécialiste du copyright. Mais peut-être que le mash-up, dérive imaginaire, s’attache uniquement dans les marges de la machine.