Sélection – Les albums concepts du hip hop

Un article publié en octobre 2014 dans Coup d’Oreille. J’écoutais énormément de hip hop à l’époque, poussant assez loin ma recherche de morceaux méconnus. Cette playlist comprend quelques albums essentiels, et pas toujours les plus évidents…


Quand bien même ils n’ont pas été mis en avant comme ceux des autres gen­res, les albums con­cepts ont essaimé comme les oinj’ dans les back­stages d’un con­cert de Snoop Dogg. À la base, si l’on con­sid­ère qu’un album con­cept est un album qui lie entre eux tous les morceaux, autour d’un thème ou d’une his­toire, alors il faudrait plutôt chercher les oeu­vres du hip hop… qui n’en sont pas. Du coup (d’oreille), on vous a sélec­tionné unique­ment les meilleurs.

Avec tous les coups de télé­phone enreg­istrés sur les skeudis de rap, les maisons de dis­ques ont dû s’en sor­tir avec une fac­ture de télé­phone à ral­longe… De A Tribe Called Quest à Dr Dre, de Eminem à Nemir, rares sont les artistes dont les albums ne comprennent pas au moins un pas­sage télé­phonique (et pas téléphoné). Restez en ligne, le con­cept album demande de l’attention.

Vous savez qu’un skit n’est pas un bon­bon ou la nou­velle drogue du rap. Pra­tique­ment tous les albums du genre font appa­raître un de ces inter­ludes : une ren­con­tre entre potes, une dis­cus­sion, ou encore un coup de télé­phone per­me­t­tent de faire entrer l’auditeur dans un quo­ti­dien du rappeur, mis en scène ou réel, qui en mod­i­fie con­sid­érable­ment la récep­tion. L’album con­cept du hip hop est donc par­ti­c­ulière­ment cohérent, résolu dans son pari.

Del­tron 3030 — Del­tron 3030 (2000)

À tout seigneur, tout hon­neur : aidé par les sons de Dan the Automa­tor et Kid Koala, Del se trans­forme en Del­tron Zero, le dernier rappeur vivant sur une terre désolée, en proie à une dic­tature impi­toy­able… Damon Albarn, et Goril­laz, ne sont pas loin, et le rappeur saura leur ren­dre la pareille sur des albums de l’autre super­for­ma­tion des années 2000. 13 ans plus tard, l’équipe der­rière Del­tron 3030 récidive avec Event II, suite de la saga…

IAM — L’école du micro d’argent (1997)

Alors que les fans de hip hop trépig­nent en atten­dant le troisième album d’IAM au tour­nant, la for­ma­tion de Mar­seille sur­prend son monde avec un album plus qu’ambitieux pour l’époque. Une esthé­tique bien définie, qui s’inspire large­ment du pre­mier album du Wu Tang Clan, des textes écrits avec le sang des cités comme encre de Chine et l’incroyable « Demain c’est loin ». Un album d’apprentissage, douloureux.

Kool G Rap — Roots of Evil (1998)

Que tous salu­ent le Mafioso rap : le Queens prend des airs siciliens, et la mis­ère fait mon­ter la tem­péra­ture. Kool G Rap a réuni sa famille (les pro­duc­teurs Dr. Butcher et CJ Moore) et rejoue Le Par­rain dans les rues de New York. Imprégné des airs d’Ennio Mori­cone et de la fumée des pis­to­lets encore chauds, Roots of Evil dépeint de façon hard­core le par­cours du mafieux. Du déra­page à la vengeance, en pas­sant par un enterrement…

Pre­mière Classe — Vol­ume 2, Les face à face (2001)

Pour le deux­ième pres­sage d’une com­pi­la­tion Pre­mière Classe, DJ Poska y intro­duit un con­cept : les face à face. Si les textes dévelop­pent cha­cun leur sujet de manière indépen­dante, les con­fronta­tions don­nent lieu à des expéri­men­ta­tions con­va­in­cantes. L’échange de flow de Busta Flex et Disiz La Peste, le voy­age dansant de Ben.J et Daddy Mory, l’assaut de L’Skadrille et K.Ommando Toxik… PC ultra­puis­sant, sans histoires.

Dr Octa­gon — DR. Octagone­col­o­gyst (1996)

Si le début de l’album met en con­fi­ance en présen­tant le cab­i­net du Dr. Octa­gon, la suite de l’album referme la porte sur un univers mal­sain et glauque. Dr. Octa­gon a les yeux jaunes, une peau qui tire sur le vert et le brun, une coif­fure afro col­orée en rose, et son cerveau… change de couleur comme une guir­lande élec­trique, jaune-​noir-​rouge-​vert-​violet. Der­rière le chirurgien et gyné­co­logue se cache le rappeur Kool Keith, qui tuera son per­son­nage dans First Come, First Served, album de Dr. Dooom.

Oxmo Puc­cino — Opéra Puc­cino (1998)

Ok, le con­cept n’est pas vrai­ment fla­grant. Mais le pre­mier album d’Oxmo Puc­cino, introu­vable depuis une ful­gu­rante rup­ture de stock, sus­cite le respect comme une oeu­vre totale : le texte de « Black Cyrano de Berg­erac », les beats de « Sor­tilège », le final de « Mourir 1000 fois », autant d’éléments indis­so­cia­bles d’Opéra Puc­cino. Album sans fautes, qui te scotche au fau­teuil, sans scène. Une dinguerie en huis clos.

Prince Paul — A Prince Among Thieves (1999)

L’album con­cept poussé à l’extrême : un jeune rappeur nommé Tariq doit récupérer l’argent néces­saire pour un enreg­istrement avec RZA, leader du Wu-​Tang Clan. C.R.E.A.M. : le jeune emcee s’enfonce avec son pote dans les marasmes du recel de drogue… 35 pistes, 19 skits, 1 par­o­die d’Ice Cube, et des con­cur­rents à terre. Prince Paul change son deux­ième album en clas­sique, au milieu d’une trilo­gie de con­cepts (précédé par Psy­cho­analy­sis : What is It ?, suivi par Pol­i­tics of the busi­ness).

K.Ommando Toxik — Retour vers le futur (2005)

Deux­ième salve de K.Ommando, qui salue ici ses pro­duc­tions favorites dans un album de reprises, avec invités. Akhen­aton, Dossey, Rockin Squat vien­nent le sec­on­der, tan­dis que Booba, Rad­wan ou Labo 6 mènent leurs pro­pres reprises. Des reprises rares, aussi val­ables que l’original, réin­ter­pré­tant chaque titre jusqu’à en mod­i­fier cer­taines paroles.

Kanye West — My Beau­ti­ful Dark Twisted Fan­tasy (2010)

S’il y en a un qui devait faire un album con­cept, c’était bien Kanye West. Alors, certes, l’histoire ne vole pas bien haut, ultime vari­a­tion de l’amour extrater­restre incom­pris, mais Kanye se taille un rôle dra­ma­tique à sa mesure, épique et par­fois pathé­tique. Un court-​métrage fut d’ailleurs réal­isé par le rappeur, par­al­lèle­ment à l’album : sym­pa­thique, dif­fi­cile d’y voir un Cit­i­zen Kanye, tout de même.

The Avalanches — Since I Left You (2000)

Une expéri­ence unique, de celles que l’on ne fait vraiment qu’une fois : Rob­bie Chater et Dar­ren Selt­mann (aka Bob­by­daz­zler) s’échangent leurs sam­ples préférés, décou­vrant de nou­velles manières d’écouter la musique. Au final, Since I Left You con­tient près de 3.500 sam­ples, de François Hardy à Raek­won, tous prélevés sur vinyles. Un mélange d’époques, de sonorités, et la félic­ité. Le con­cept, clair comme du cristal.

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