Rap Genius : que la lumière soit

Un article paru en février 2014, assez daté, forcément, puisqu’à l’époque, la plateforme Rap Genius faisait encore office de semi-nouveauté. Un petit texte à mi-chemin entre entretien, portrait et courte analyse.


Depuis bien­tôt 4 ans, l’ampoule de Rap Genius éclaire les recoins les plus som­bres des allées alam­biquées du rap et du hip hop français. Et 2014 s’annonce déjà comme une année clé pour le site, entre la sor­tie d’une appli­ca­tion, celle de la Rap Genius Tape et bien­tôt la dif­fu­sion d’un EP mensuel.

Un Wikipé­dia sur l’air du rap, il fal­lait l’inventer : en 2009, 3 étu­di­ants de Yale se pren­nent la tête sur les paroles de Fam­ily Ties, par Cam’ron. Pour se départager, et puisque les Améri­cains ne font rien à moitié, ils se lan­cent dans un site web par­tic­i­patif : Rap Genius est né. Ou plutôt, Rap Exe­ge­sis, le nom qu’il porte pen­dant quelques mois.

En 2010, Clé­ment, l’un des deux respon­s­ables de la ver­sion fran­coph­one du site (avec Bran­don), fait un tour sur le site US : « J’écoutais l’album Ara­bian Pan­thers, de Médine, et j’ai cher­ché des expli­ca­tions sur Rap Genius. J’ai remar­qué qu’il n’y avait aucune track en français. Je leur ai envoyé un mail et j’ai com­mencé à ajouter des morceaux de mon côté. »

Aujourd’hui, l’équipe s’est con­sid­érable­ment éten­due : 70 per­son­nes con­tribuent régulière­ment, dont une soix­an­taine d’éditeurs, et 10 en for­ma­tion, qui vali­dent les con­tri­bu­tions extérieures. Car c’est ici que Rap Genius puise sa force : plusieurs cen­taines de volon­taires expliquent, décryptent, se dis­putent autour des paroles écrites par les artistes. Outre-​Atlantique, ils sont des mil­liers à aug­menter le champ du site, quotidiennement.

Le fonc­tion­nement du site est désor­mais bien connu : les phases et punch­lines sont expliquées, avec des con­tri­bu­tions directe­ment pub­liées sur le site, en rouge. La val­i­da­tion par les édi­teurs vient a pos­te­ri­ori, ce qui occa­sionne par­fois quelques per­les WTF… Dans tous les cas, les expli­ca­tions non validées sont dis­tinctes, pour assurer la crédi­bil­ité et l’exactitude de la plateforme.

Le rap français n’a pas oublié de ren­dre hom­mage au Genius… (voir plus bas)

Mais la vraie con­sécra­tion, pour ces pas­sion­nés, vient quand un artiste valide une inter­pré­ta­tion : « Pour le moment, on compte à peu près une cen­taine de comptes artistes en France, pour plusieurs mil­liers dans le monde. 99 % d’entre eux sont très ent­hou­si­astes à la lec­ture des con­tri­bu­tions », détaille Clé­ment. Il y a de quoi : en plus de recenser la total­ité des paroles, le site offre la pos­si­bil­ité d’approfondir et de met­tre en valeur les textes, quand le rap game chéri des médias a ten­dance à ne jouer que de clips et bitchs.

Repar­tons de l’autre côté de l’Atlantique : en quelques années, Rap Genius est devenu un point de rendez-​vous pour tous les pas­sion­nés. L’investissement mas­sif (15 mil­lions $) de Ben Horowitz, homme d’affaires fan de rap, dans la plate­forme lui a per­mis de se dévelop­per con­sid­érable­ment, et d’écarter les prob­lèmes de mod­èles économiques. Jusqu’à attirer les con­voitises : en novem­bre 2013, le lobby des labels qu’est la National Music Pub­lish­ers Asso­ci­a­tion, aux États-​Unis, réclame le retrait des paroles pour infrac­tion aux droits d’auteur. Un lit­ige tou­jours en cours, qui oblige le site à s’arranger avec cer­tains majors. En France, toute­fois, « un tra­vail impor­tant se fait avec les majors, notam­ment Def Jam et Because Music », pré­cise Clément.

Et pour cause : mine de rien, Rap Genius Fr dis­pose désor­mais d’une force de frappe impres­sion­nante dans le milieu. Avec des clins d’oeil réguliers de la part des artistes eux-​mêmes : « Quand Médine, dont les paroles ont «inau­guré» Rap Genius Fr, nous a cité dans une chan­son [« Biopic, NdR »], j’étais très hon­oré. Quand Disiz a fait son morceau, pareil, ça fait chaud au coeur… »

Outre la sor­tie d’une appli mobile, l’actualité de Rap Genius est brûlante : la semaine dernière, le site pro­po­sait sa pre­mière mix­tape, la Rap Genius Net Tape. 19 morceaux inédits, dont 4 com­posés par les vain­queurs (Kila Kali et Ou2s, Malik, Phases Cachées et Tekilla) d’un con­cours qui a rassem­blé près de 400 par­tic­i­pants. « Les artistes ont vrai­ment assuré, en nous four­nissant des tracks mas­ter­isées et mixées de bout en bout. Il y en a cer­tains avec lesquels nous avions déjà tra­vaillé, dont L’indis et Zekwe Ramos, pour des inter­views ou des val­i­da­tions de compte, d’autres qui voulaient y être, et d’autres qui étaient nos coups de coeurs per­son­nels », explique Clé­ment. Une suite prévue ? « Pour le moment, on va se reposer, en prof­iter. Nous y réfléchissons, peut-​être un for­mat album avec un con­cept der­rière… »

Le 12 février, le site devien­dra égale­ment parte­naire d’un con­cert, le show­room privé de Tito Prince, Black Kent et 3010, avec Rap Mag, Généra­tions et Canal Street. Un des signes de l’audience gran­dis­sante de la plate­forme, tout comme les 5.000 télécharge­ments cumulés pour la tape #RGNT, en moins d’une semaine. Rap Genius pro­posera égale­ment, dès le mois prochain, un EP 3 titres men­suel, sous le titre The Big Three by Rap­ge­nius, et dif­fusé par ses soins. Et la lumière fut…

Pour télécharger la Rap Genius Net Tape, c’est par ici